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Que retenir du concile de Nicée ?

Que retenir du concile de Nicée ?

Un article rédigé par Odile Riffaud - RCF, le 29 novembre 2024 - Modifié le 22 mai 2025

En 2025, les catholiques sont invitĂ©s Ă  cĂ©lĂ©brer le 1 700e anniversaire du concile de NicĂ©e, qui a dĂ©butĂ© le 20 mai 325. Nature divine de JĂ©sus, lutte contre l'arianisme... Que retenir de cette assemblĂ©e d'Ă©vĂŞques qui a eu lieu aux premiers temps du christianisme ?

Le premier concile de Nicée a été convoqué en 325 par l'empereur Constantin ©Wikimédia CommonsLe premier concile de Nicée a été convoqué en 325 par l'empereur Constantin ©Wikimédia Commons

En 2025, l'Église catholique célèbre les 1700 ans du concile de Nicée, et aussi le soixantième anniversaire du concile Vatican II. Hasard du calendrier, ce sont donc le premier et le dernier conciles œcuméniques que l'on commémore la même année. Une Année dite sainte puisqu'elle est marquée par le jubilé de l'espérance. Dans une lettre, les évêques de France déclarent qu'il y a "un lien entre l’Espérance à laquelle invite le jubilé et le concile de Nicée". Que s'est-il passé lors de ce concile ? En quoi a-t-il changé quelque chose à la foi chrétienne ? Qu'en retenir, 1700 ans après, et 60 ans après Vatican II ?

L'histoire du christianisme ponctuée par les conciles

Il y a eu d'innombrables conciles dans l'histoire du christianisme. À Carthage, Rome, Tolède, Rouen ou Compiègne, ces réunions d’évêques ont eu lieu dès le IIIe siècle. La plupart étaient des assemblées régionales, au cours desquelles il s’agissait de régler des points de discipline au sein des communautés chrétiennes locales. Une habitude qui s'est peu à peu instituée.

Les conciles sont dits "œcuméniques" quand ils réunissent les évêques de toutes les régions. Lors des conciles généraux, l’objectif était de préciser des points du dogme, le plus souvent en réaction à la diffusion de courants de pensée pressentis comme déviants. L’histoire des conciles montre bien combien le christianisme est marqué par des tensions et des schismes, certains plus retentissants que d'autres.

L'assemblĂ©e de 325 Ă  NicĂ©e (dans l'actuelle Turquie) est le premier concile Ĺ“cumĂ©nique. C’est aussi la première fois qu’un concile a Ă©tĂ© convoquĂ© par un empereur. En 313, Constantin a mis fin aux persĂ©cutions romaines contre les chrĂ©tiens, avec l'Ă©dit de Milan. Plus tard, en 337, il fera du christianisme une religion d’État - les Églises catholique et orthodoxe le considèrent comme saint. Mais si, en 325, Constantin a convoquĂ© le concile de NicĂ©e, c’est surtout pour des raisons politiques. 

Il faut imaginer cette période du IVe siècle comme une période d’intenses controverses théologiques, sur fond de persécutions. Et, en parallèle des débats lors des différents conciles, une production importante de lettres épiscopales. Ignace, l'évêque d’Antioche, Cyprien de Carthage ou encore Denys de Corinthe ont laissé des écrits auxquels on a pu accorder pour certains "une valeur normative" alors même qu’il pouvait s’agir de "lettres de circonstances", comme le décrit Marie-Françoise Baslez dans "Après Jésus - L’invention du christianisme" (éd. Albin Michel, 2020). C’est dans ce contexte complexe, foisonnant, que s’est tenu le concile de Nicée.

 

Au concile de Nicée, des débats sur l’identité de Jésus

L'identité de Jésus fait partie des nombreux thèmes qui ont animé les premiers débats doctrinaux. À partir de sa mort et de sa résurrection, dont les disciples ont été les témoins, de nombreuses questions ont été soulevées. Si le Dieu de la Bible est un et unique, peut-il avoir un fils ? Si Jésus est mort sur la croix, peut-il être de nature divine ? Jésus est-il un élu, un ange, un surhumain ?

Les conciles avaient pour objectif de clarifier des points de doctrine comme de définir et écarter les théories jugées hérétiques. Dans "Après Jésus" l'helléniste Bernard Pouderon cite l’exemple des adoptianistes pour qui Jésus était un homme adopté par Dieu et "élevé à la condition divine par sa résurrection". Ou encore les ébionites, qui considéraient Jésus "comme un simple homme justifié par sa vertu".

La « plus cĂ©lèbre des "hĂ©rĂ©sies" » est l’arianisme, selon Bernard Pouderon. C’est en rĂ©action Ă  celle-ci qu’a Ă©tĂ© convoquĂ© le concile de NicĂ©e. ÉlaborĂ©e par l’évĂŞque d’Alexandrie Arius, au dĂ©but du IVe siècle, cette doctrine "niait la consubstantialitĂ©, c’est-Ă -dire, l’égalitĂ© de substance du Fils avec le Père et considĂ©rait JĂ©sus le Fils de Dieu comme une nature infĂ©rieure, subordonnĂ©e" (Source : Église catholique). 

Les débats christologiques, c’est-à-dire sur la nature divine de Jésus, menés lors du concile de Nicée sont l’héritage de réflexions élaborées au cours des IIe et IIIe siècles. Les évêques ont défini des dogmes à partir d’éléments qui étaient jusque-là pensés ou simplement vécus ou pressentis. Au cours des conciles de Nicée (325) et de Constantinople (381), a été formulé le credo - c’est-à-dire la profession de foi que les chrétiens protestants et catholiques récitent encore aujourd’hui au culte ou à la messe. Il affirme que Jésus a été "engendré, non pas créé" et qu’il est "de même nature que le Père", c’est-à-dire tout aussi divin que le Père, "consubstantiel" à Dieu.

Plus tard, d’autres conciles se pencheront sur cette fois l’Esprit-Saint et la nature trinitaire de Dieu. Cette question a elle aussi soulevé bien des débats : l’Esprit-Saint procède-t-il du Père ou du Fils ou de l’un et l’autre ? La querelle du Filioque ("et du fils" en latin) précipitera le schisme de 1054 entre les Églises d’Orient et d’Occident.

 

1700 ans après, que retenir du concile de Nicée ?

L’histoire du concile de Nicée et des conciles en général nous permet de nous rendre compte que la religion catholique, avec ses dogmes et ses doctrines, s’est élaborée sur le temps long de la réflexion collective, à partir des Écritures et des témoignages de foi. Même une donnée aussi fondamentale que la nature de Jésus ne s’est pas imposée dès sa mort et sa résurrection. Célébrer le 1700e anniversaire du concile de Nicée, c’est l’occasion de redécouvrir le dogme de la divinité et Jésus. Et sans doute de se demander à quoi cela engage de professer la "consubstantialité du Père et du Fils"...

C’est aussi l’occasion de se souvenir que lors de ce mĂŞme concile, la fĂŞte de Pâques chrĂ©tienne a Ă©tĂ© dissociĂ©e dans le calendrier de la Pâque juive. "Au fil des siècles, l'opposition s'est dĂ©veloppĂ©e entre chrĂ©tiens issus du monde paĂŻen et juifs restĂ©s fidèles au judaĂŻsme, entraĂ®nant des marques de plus en plus sensibles d'antijudaĂŻsme", rappelle le Service national pour les relations avec le judaĂŻsme (SNRJ)*. Ainsi, dès le IV siècle, "la pratique cultuelle et rituelle juive" a Ă©tĂ© par les chrĂ©tiens "considĂ©rĂ©e comme morte et mortifère", d'après Gavin D’Costa**. C’est lors d’un autre concile Ĺ“cumĂ©nique, Vatican II, que l’Église catholique tentera de mettre fin Ă  l’antijudaĂŻsme chrĂ©tien.

Vatican II est le premier concile Ĺ“cumĂ©nique oĂą il est surtout question d'ouverture au monde et de prise en compte de l'altĂ©ritĂ©. Il a Ă©tĂ© convoquĂ© pour "ouvrir les portes et les fenĂŞtres", comme disait Jean XXIII - lĂ  oĂą tous les autres conciles, y compris NicĂ©e, ont Ă©tĂ© convoquĂ©s pour rĂ©agir en opposition Ă  des courants de pensĂ©e, des idĂ©ologies ou des concepts. Quand l'Église catholique incite, en 2025, les fidèles Ă  commĂ©morer les conciles de NicĂ©e et Vatican II, c'est notamment pour encourager le dialogue entre chrĂ©tiens. Dans ce but, le groupe Ĺ“cumĂ©nique "Pâques Ensemble 2025" est Ă  l'Ĺ“uvre pour qu'en 2025, toutes les Églises chrĂ©tiennes cĂ©lèbrent Pâques le mĂŞme jour, le 20 avril.

 


* "Déconstruire l'antijudaïsme chrétien", de la Conférence des évêques de France, éd. Cerf, 2023

** "Doctrines catholiques sur le peuple juif après Vatican II", éd. Cerf, 2023

 

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